L’usine a dicté sa loi. En l’écrivant, j’ai fini par l’épuiser autant qu’elle m’a épuisé. Écrire, pour ne pas devenir cinglé, écrire des textes comme une viande dénuée de tout le gras pour n’en garder que le muscle.

À la ligne est le récit de l’expérience d’un homme épris de poésie, de mots et de chansons. Éducateur spécialisé en région parisienne, il plaque tout par amour et part s’installer en Bretagne où il doit gagner sa croûte comme intérimaire dans des usines d’agroalimentaire, sur la ligne d’une chaîne de production ininterrompue, celle d’une conserverie, puis d’un abattoir. Julien Pillet et moi avons plongé dans ce journal de bord, ce roman vrai, qui nous raconte que pour survivre, il faut rire de l’absurdité de ce travail fait de gestes saccadés et répétitifs, de cette cadence infernale où, pour tenir, on évite de regarder l’horloge. En adaptant ces Feuillets d’usine comme une tragi-comédie, nous sommes encore bien proches des Temps modernes de Charlie Chaplin. Proches de ces travailleur·euses de l’ombre, de ce peuple d’en bas, et aussi d’Apollinaire, Dumas, Cendrars, Trenet, à qui Joseph Ponthus, par la finesse de son écriture, rend un poignant hommage.
- Michel André